En 2000, une amie m’a proposé d’aller en Guinée Conakry dessiner avec des enfants dans une école de brousse où sa fille était alors institutrice. Les enfants et les adultes ont manifesté beaucoup de joie et de bonheur à expérimenter la peinture qu’ils ne connaissaient pas. Je me souviens encore du regard d’un professeur quand j’ai mélangé du bleu et du jaune ; le vert est arrivé . « Magic » a-t-elle dit, avec des yeux exorbités. Depuis, j’éprouve beaucoup de joie et de bonheur à partir presque chaque année dessiner et peindre avec les enfants dans des lieux défavorisés.
J’aime leur faire dessiner un visage au fusain. Ils pensent ne pas pouvoir y arriver, mais j’ai mis au point une technique qui fonctionne bien. A chaque exercice, ils se sont surpris à dessiner un visage expressif, ce dont ils se croyaient incapables. C’est un grand bonheur de découvrir de nouvelles capacités et de nouveaux domaines.
J’aime leur faire inventer des animaux, la tête de l’un, le corps d’un autre, une patte d’un troisième, la queue d’un quatrième ; d’abord en dessin, puis en peinture, je les invite à s’exprimer avec leur propre imagination ; selon les pays, leurs demandes et le lieu dans lequel ils se trouvent, je propose d’autre sujets. Ils ont travaillé sur le textile, le carnaval des animaux, un conte à illustrer, des masques à partir d’éléments naturels, des poissons et des oiseaux,…Ces sujets de dessin ont souvent abouti à des fresques murales.
J’anime les ateliers dans leur langue. Je ne connais pas la langue vernaculaire, mais avant de partir j’apprends quelques mots précis avec ma tablette ipad: les parties du visage, les noms des animaux, les couleurs et quelques verbes. Sur place, je me fais traduire quelques phrases que j’apprends par cœur ; j’ai pu ainsi m’exprimer en soussou, en wolof, en massai, en anglais, en roumain, en malgache, en tamoul, en indonésien,…
La langue c’est vraiment très surprenant mais ce n’est vraiment pas un obstacle car nous sommes ensemble toute la journée ; par le dessin, par des gestes, des regards et des rudiments de mots nous arrivons à très bien nous comprendre. Si le dessin permet de très bien communiquer entre nous, qui ne parlons pas la même langue, il permet surtout aux enfants de se relier à eux-mêmes, à leur intériorité. Comme tout art, le dessin et la peinture permettent de communiquer l’essentiel de ce que nous sommes, nos désirs les plus profonds, nos personnalités, le fondement même de la relation par-delà les cultures, les langues et les frontières.
J’interviens en électron libre, je ne fais partie d’aucune association mais je pars souvent pour des associations (communautés religieuses en Afrique, les écoles initiées par le père Ceyrac, Rosario et Asia en Inde, AnakBali,…) C’est par le bouche à oreille que je trouve de nouveaux projets. Je me finance avec mes expositions et la générosité de quelques amis.
Ces ateliers permettent aux enfants de prendre conscience qu’ils sont créateurs en dessin, et créateurs dans leur vie. Avec ce que j’appelle FDV (Force Du Vent ou Foi, Désir, Volonté), on se découvre des capacités énormes, surtout dans les groupes sociaux qui, comme les dalits en Inde avec le système des castes, ont une très mauvaise estime d’eux-mêmes.